C'était fini cette fois. Pour de bon. La goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Bordel, comment en étaient-ils arrivé là ? Ils s'aimaient, pourtant. Plus que ça même. Ezra se souvenait encore leur première rencontre. Il l'avait aperçu à travers la fenêtre du Starbucks. Elle était assise, une amie en face d'elle. Un chemisier blanc qu'elle portait, elle rigolait. Sa joue se creusait en une petite fossette. Il se souvenait encore n'avoir jamais rien vu d'aussi simple et parfait à la fois. Ses cheveux bruns détachés, lisses. Le mouvement délicat qu'elle avait pour porter sa tasse de café à ses lèvres. Il avait fallu qu'il rentre aussitôt au Starbucks lui aussi, et tout faire pour attirer son attention. D'habitude, c'était simple avec les filles, il jouait de sa beauté naturelle. Mais pas elle, elle ne le regardait même pas. Alors il s'était commandé un latte, et en s'approchant de sa table, se l'était renversé dessus. Putain, ça avait brûlé, mais il s'en foutait, elle l'avait vu. Des serviettes à la main, elle s'était dirigé vers lui, et il se souvenait encore qu'elle lui avait dit quelque chose, qu'il n'avait jamais entendu, ni su. Trop obnubilé par sa façon de faire, ses yeux noisettes inquiets qui se posaient sur lui, sa manière de tenter d'essuyer les taches. Sublime. Elle était sublime. C'était bien plus que ça. Du bonheur à l’état pur, brut, natif, volcanique, quel pied ! C’était mieux que tout, mieux que la drogue, mieux que l’héro, mieux que la dope, coke, crack, fitj, joint, shit, shoot, snif, pét’, ganja, marie-jeanne, cannabis, beuh, péyotl, buvard, acide, LSD, extasy. Mieux que le sexe, mieux que la fellation, soixante-neuf, partouze, masturbation, tantrisme, kama-sutra, brouette thaïlandaise. Mieux que le Nutella au beurre de cacahuète et le milk-shake banane. Mieux que toutes les trilogies de George Lucas, l’intégrale des muppets-show, la fin de 2001. Mieux que le déhanché d’Emma Peel, Marilyn, la schtroumpfette, Lara Croft, Naomi Campbell et le grain de beauté de Cindy Crawford. Mieux que la face B d’Abbey Road, les CD d’Hendrix, qu’le p’tit pas de Neil Armstrong sur la lune. Le Space-Mountain, la ronde du Père-Noël, la fortune de Bill Gates, les transes du Dalaï-Lama, les NDE, la résurrection de Lazare, toutes les piquouzes de testostérone de Schwarzy, le collagène dans les lèvres de Pamela Anderson. Mieux que Woodstock et les rave-party les plus orgasmiques. Mieux que la défonce de Sade, Rimbaud, Morisson et Castaneda. Mieux que la liberté. Mieux que la vie...

Ils étaient tombé amoureux, comme dans n'importe quel film débile. Ces films où tout va merveilleusement bien dans le meilleur des mondes. Eux, c'était ça aussi. Au début, du moins. Le besoin qu'ils avaient de s'envoyer un million de textos dans la journée lorsqu'ils ne se voyaient pas, de s'appeler chaque soir avant de dormir, parce qu'il savait qu'elle voulait à tout prix qu'il lui dise qu'il l'aime avant qu'elle n'aille au lit. Où encore, lorsqu'ils étaient ensemble, de rester collé, pas se lâcher, toujours main dans la main. Tout allait bien, pourtant, comment avaient-ils dégénéré sans même s'en apercevoir ? Il savait que c'était de sa faute, mais il ne voulait pas être l'unique coupable. Il arriva un temps où il ne supporta plus les mecs autour d'elle. Et ça créait des disputes, sans cesse. Elle disait à chaque fois qu'elle en avait marre qu'il lui gueule dessus pour un rien, de sa jalousie excessive. C'est pas qu'elle avait tort, mais c'était plus fort que lui. Il avait peur qu'elle lui échappe, qu'elle aille vers un autre, pourtant il était conscient qu'il l'étouffait.

« Ezra, ça ne peut plus continuer comme ça. Je veux qu'on en finisse. Pour de bon. » Ils s'étaient réuni dans un café. Il avait été tellement à côté de la plaque ce jour qu'il se rappelait même plus lequel. Elle avait dit ça, d'un ton si calme que ça en était rageant. « Attends, tu veux dire que nous deux.. c'est fini ? » Dis non, bordel. Dis que c'est une plaisanterie. Dis que c'est simplement pour me faire peur. Que tu veux simplement que tout aille mieux entre nous. Il s'était juré que si la réponse était positive, qu'il allait faire des efforts. « Exactement. » Il ne l'avait pas traité de la bonne manière. Il savait qu'elle savait qu'il s'était tapé une fille, sans même se souvenir de qui c'était, durant les vacances estivales. Plusieurs fois, même. Mais c'était pas de sa faute, c'était un mec, il avait des besoins. Inès le savait, mais elle avait préféré rien dire. Elle l'aimait quoi. Beaucoup trop même, pour garder le silence. Mais ce jour-là, elle n'avait rien de tout ça : son blazer noir qu'elle n'avait même pas ôté, comme si elle allait quitter la pièce dans une seconde, la montrait sous un angle dur. Attends, c'était fini ? Terminé ? « Tu déconnes ? » « Est ce que j'ai l'air de déconner ? » Pas du tout. Plus sérieux tu meurs. Merde. Il aurait bien aimé qu'elle se déride comme lorsqu'elle faisait après une plaisanterie. Qu'elle se mette à éclater de rire, qu'elle lui dise qu'il était fou de croire qu'elle était assez folle pour songer à le quitter, qu'elle vienne s'assoir sur ses genoux comme elle le faisait tout le temps, qu'elle l'embrasse. Qu'elle l'embrasse, bordel ouais. Mais non. Son visage restait aussi fermé. « Ale' attends, ok j'ai fais des conneries, mais on va redémarrer sur de bonnes bases d'accord ? » Elle allait accepter, elle était obligée d'accepter. Durant les quelques secondes de silence, Ezra la fixait bien droit. Elle ne semblait pas déstabilisée du tout et la réponse fut brève et sèche. « Non. » Il l'avait pris comme une claque dans la gueule. Ça avait fait mal. Ses potes avaient raison lorsqu'ils lui disaient que c'était vraiment emmerdant de tomber amoureux. Mais il n'allait pas la laisser dire. Il savait qu'Inès n'était pas blanche comme neige non plus. Il avait eu écho de choses qu'il s'était passé durant une soirée dans laquelle elle aurait soi-disant embrassé Nolan Archibald et il ne lui en avait jamais parlé, car il savait qu'elle réagirait très mal si cela s'avérait faux. Mais c'était l'occasion là. « ne pense pas que tu ne fais aucune erreur toi, tout le monde le sait pour Nolan et toi. » « nolan et moi ? Quoi Nolan et moi ? » « que vous vous êtes embrassé. » « après ce que tu as fait toi, je n'ai pas de compte à te rendre, je pense. » Et avant qu'il ne puisse en placer une, elle se leva de table, les yeux brillants de larmes puis était sorti. Les jours suivants, ils s'évitèrent à Royal. Pourtant, Ezra savait parfaitement qu'ils finiraient par se remettre ensemble. L'amour fusionnel, ça ne s'arrête pas du jour au lendemain.

« asher, putain tu dors encore ? » Inès venait de franchir les portes de la chambre du blond, chambre qui était dans un état épouvantable. Des vêtements partout, deux bouteilles de Jack Daniels posé au sol, où trainait des clés de voiture également et Asher, qui s'appelait en réalité de son premier prénom Nolan, était encore dans son lit, allongé sur le ventre, la tête entre deux coussins. « j'ai dormi tard hier soir. Laisse moi récupérer. » Puis il se redressa à demi, et tournant son regard en direction de la jeune femme ajouta, d'un ton plein de sous-entendus comme il adorait le faire : « où mieux, viens là aussi, au chaud.. » Aleyna leva les yeux au ciel, puis posa son sac sur le bureau, où trainait des barres de chocolat ainsi que deux paquets de préservatifs de vingt-quatre chacun. D'une mine et d'un ton amusé, elle en prit un puis dit : « pourquoi t'en achètes ? Tu n'en as même pas besoin. » Un grognement lui parvint du lit, et reposant sa tête sur le coussin, Nolan se frotta les yeux, puis rétorqua : « c'est ce que tu crois. » Puis il repoussa brusquement ses couvertures, et vint attraper Inès dans ses bras, pour la jeter sur son lit. Celle-ci cria, puis éclata de rire. « dégageee. » Se positionnant au dessus d'elle, le jeune homme commença à lui faire des bisous dans le cou, exactement comme elle aimait, mais Aleyna le fit basculer sur le côté puis s'assit sur les draps blancs, le dos contre le dossier du lit, et ôtant ses ballerines Jimmy Choo qu'elle balança à travers la pièce, demanda le plus innocemment du monde : « t'as fais quoi hier soir pour être aussi fatigué ? » Un léger sourire se dessina sur les lèvres d'Asher. Il savait qu'elle poserait la question, il la connaissait parfaitement bien depuis leur première rencontre en sixième, au collège. Et bien qu'ils avaient toujours été d'excellents amis, un lien différent, plus fort, semblait les lier. Lorsqu'ils étaient célibataires tous deux, ils n'hésitaient pas à se comporter comme un vrai couple, sans même l'être pourtant, à dormir ensemble, à s'embrasser, bien qu'ils n'étaient jamais allé plus loin, Inès le refusant. « j'ai travaillé dur. »

C'est avec un regard interrogateur qu'Aleyna se tourna vers lui, pour demander, une nouvelle fois : « t'as travaillé ? Toi ? » Deux vrais gamins. Ils ne se prenaient jamais au sérieux, et passaient leur temps à déconner, seulement intérieurement, Nolan aurait aimé que ce soit plus sérieux entre eux. Cela faisait des années déjà qu'il nourrissait des sentiments plus fort pour Hermès-Lennon, mais qu'il gardait tout ça sous silence, car il ne voulait en aucun cas la perdre si cela ne fonctionnait pas. D'autant plus qu'il savait qu'elle n'avait pas encore oubliée son ex, le salopard d'Ezra Kurtwood. Un sourire ironique, il lui répondit, en imitant une voix d'homme d'affaire : « vois-tu Inès Aleyna Hermès-Lennon, que tu es en ce moment-même assise sur le lit, où se sont déroulés, hier, des ébats de type sexuel, dirons-nous, avec une charmante jeune femme, dont je ne me rappelle plus le nom, mais qui était ma foi, fort pulpeuse et source de plaisir. » Vu la mine qu'Aleyna affichait, on aurait pu croire qu'elle allait vomir sur-le-champ, et elle s'extirpa aussitôt du lit, en proférant diverses insultes. « t'es vraiment dégeulasse, merde, t'aurais pu prévenir connard. » tandis que Nolan éclatait de rire en même temps. « je me casse! » Le jeune blond se calma, et sortit immédiatement du lit également, et la rattrapa par un bras, un air amusé sur le visage : « oh allez, fais pas la gueule, je m'excuse, c'était une blague. On va bouffer un truc au mcdo ? Tu sais, un bon gros Big Mac ? » La brune hésita quelques instants avant de s'écrier : « bon ok, mais grouille-toi à t'habiller. Je t'attends dans le salon. » C'était toujours comme ça. Ils ne pouvaient se faire la tête trop longtemps. Arquant un sourcil, Nolan dit : « tu peux rester aussi, tu sais.. Je suis pas moche à regarder. » Sans pouvoir s'en empêcher, Inès se mit à rire, puis secouant la tête, répondit : « dépêche-toi, je t'attends en bas. » Et en lui faisant un bisou sur la joue, elle sortit hors de la chambre. Le problème est que cette situation commence réellement à lasser Nolan. Il veut plus que ça, point.

Inès et Léanna se connaissent depuis leur première année de collège, se retrouvant dans la même classe, et entre elles, le courant est immédiatement passé. Très vite, elles sont devenues inséparables, bien que pourtant, elles ont des caractères assez opposés. Si Léanna est extravertie et que rien ne l'arrête, Inès elle aime bien prôner une image plus hautaine, plus froide. Justement, elles se complètent. Pas un jour ne se passe sans qu'elles ne s'appellent où qu'elles se voient, et elles passent leur temps à dormir l'une chez l'autre, leur gros point commun étant le shopping, évidemment. Sans se lasser, elles peuvent en faire toutes les deux pendant des heures.

« inèèèèès. » Telle une furie, Léanna venait de franchir les portes de la chambre de l'interpellée et alla s'écrouler sur son lit, des dizaines de poches à la main. Tranquillement en train de lire un magazine, Inès sursauta, puis cria de joie lorsqu'elle vit les poches, qui provenaient de Gucci. « c'est la nouvelle collection ? » « ouii. Je nous ai acheté pleins de trucs, regarde! » Oui parce qu'elles mettent tout en commun, c'est dire. Sans compter que Léanna est la petite soeur d'Ezra, l'ex-copain de sa meilleure amie.